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Les écoles se ressemblent toutes, n’est-ce pas ? Il y a toujours cette même odeur : un mélange de craie, de cantine, d’encaustique, de livres. L’écho des voix enfantines, le timbre plus intense des institutrices. Les « œuvres d’art » sur les murs et les décorations sur la porte de chaque salle de classe. L’école maternelle de Red Ditch était en tout point semblable.
Je tenais Hunter par la main et Rémy nous suivait, à la traîne. Chaque fois que je revoyais Hunter, il ressemblait encore un peu plus à sa mère, ma cousine Hadley, maintenant décédée. Avec ses yeux et sa chevelure sombres, son visage commençait à perdre ses rondeurs enfantines pour devenir plus ovale, comme le sien.
Pauvre Hadley. C’était principalement de sa faute, mais la vie s’était montrée dure avec elle. À la fin, elle avait trouvé le véritable amour, elle était devenue un vampire, et on l’avait tuée par jalousie. Elle avait mené une vie bien remplie, mais courte. Et c’était donc moi qui la remplaçais aujourd’hui. Pendant un instant, je me suis demandé ce qu’elle en aurait pensé. C’était elle qui aurait dû se trouver là pour emmener son fils visiter sa première école, celle qui l’accueillerait à la rentrée prochaine. Le but de la visite était d’aider les petits à se familiariser avec le concept, avec l’apparence des salles de classe, des bureaux et des institutrices.
Certaines des petites personnes qui se promenaient dans le bâtiment regardaient partout avec curiosité, sans montrer de crainte. D’autres petits par contre se montraient silencieux, avec de grands yeux, comme mon « neveu » Hunter. Personne n’aurait pu deviner que dans ma tête, Hunter bavardait avec entrain. Hunter était télépathe, tout comme moi. C’était mon secret le mieux gardé. Plus il y aurait de SurNat au courant de ses aptitudes, et plus il y aurait de risque qu’on le kidnappe : les télépathes, c’est utile. Il n’y avait aucun doute : il se trouverait nécessairement quelqu’un de suffisamment impitoyable pour mener une telle action. Rémy, son père, n’y avait sûrement pas encore pensé. Ce qui l’inquiétait, c’était l’intégration de Hunter. C’était effectivement fondé. Les enfants peuvent se montrer terriblement cruels, quand ils sentent une différence. Je ne le savais que trop bien.
Quand on sait ce qu’on cherche, il est facile de repérer une conversation télépathique entre deux personnes : l’expression de leur visage change lorsqu’elles se regardent, tout comme elle le ferait lors d’une conversation normale.
Je détournais donc fréquemment mon visage de celui de l’enfant, tout en affichant mon sourire en permanence. Hunter était trop jeune pour apprendre l’art de cacher notre communication. C’était donc moi qui m’en chargeais.
— Il y aura assez de place pour tous ces gamins dans une seule pièce ?
— Parle à voix haute, lui ai-je rappelé discrètement. Non, on va vous partager en groupes et tu seras avec le même groupe toute la journée, Hunter.
Je ne connaissais pas les horaires de la maternelle de Red Ditch, mais la sortie se faisait certainement après le déjeuner.
— Ton papa viendra te déposer le matin, et quelqu’un viendra te prendre l’après-midi.
Mais qui ? me suis-je demandé. Puis je me suis souvenue que Hunter m’écoutait.
— Ton père va gérer ça. Regarde. Cette salle, c’est la Classe du Phoque. Tu as vu le poster avec le phoque ? Et là, c’est la Classe du Poney.
— Il y a un poney ?
Hunter était un optimiste.
— Je ne pense pas. Mais, à mon avis, il y a plein de photos de poneys dans la classe.
Toutes les portes étaient ouvertes et les institutrices étaient dans leurs salles de classe, souriant aux enfants et à leurs parents, faisant de leur mieux pour sembler accueillantes et chaleureuses. Pour certaines, naturellement, c’était plus difficile que pour d’autres.
Celle de la Classe du Poney, Mme Gristede, semblait plutôt sympathique, d’après un bref examen intérieur de ma part. Hunter a hoché la tête en signe d’approbation.
Puis nous nous sommes aventurés dans la Classe du Petit Chien et nous avons rencontré Mlle O’Fallon. Trois minutes plus tard, nous étions de retour dans le couloir.
— Pas la Classe du Petit Chien, ai-je murmuré tout bas à Rémy. On peut choisir, c’est bien ça ?
— C’est ça. Une seule fois. Je peux dire dans quelle classe je ne veux pas qu’il aille. En général, on utilise l’option si le professeur est trop proche de la famille, ou s’il y a un conflit entre les familles.
— Pas la Classe du Petit Chien, a répété Hunter.
Il semblait terrifié.
Mlle O’Fallon était jolie à l’extérieur, et pourrie à l’intérieur.
— Qu’est-ce qui se passe ? a demandé Rémy à voix basse.
— Je t’expliquerai plus tard, ai-je murmuré. Allons voir les autres classes.
Toujours suivis par Rémy, nous avons visité les trois autres salles. Toutes les autres institutrices semblaient bien, même si Mme Boyle me paraissait moralement épuisée.
Derrière son sourire fragile, ses pensées fusaient rapidement, avec une touche d’impatience. Je n’ai rien dit à Rémy. Puisqu’il ne pouvait refuser qu’une seule personne, il valait mieux que ce soit Mlle O’Fallon. C’était elle la plus dangereuse.
Hunter appréciant particulièrement les poneys, nous sommes retournés voir Mme Gristede. Il y avait là deux autres parents avec des petites filles. J’ai doucement serré la main de Hunter pour lui rappeler les règles. Il a levé le regard vers moi et j’ai hoché la tête pour l’encourager. Il a lâché ma main et s’est dirigé vers le coin lecture, ramassant un livre pour le feuilleter.
— Tu aimes lire, Hunter ? a demandé Mme Gristede.
— J’aime bien les livres. Je ne sais pas encore lire.
Hunter a reposé le livre à sa place et je l’ai félicité mentalement. Avec un sourire léger, il en a choisi un autre, une histoire de chiens qui appartenait à la série Dr Seuss.
— Je vois bien qu’on lui lit des histoires, a dit l’institutrice en nous souriant.
Rémy s’est présenté.
— Je suis le père de Hunter, et voici sa cousine, a-t-il commencé en inclinant la tête dans ma direction. Sookie représente la mère de Hunter aujourd’hui, car elle a quitté ce monde.
Mme Gristede a digéré l’information.
— Eh bien, je suis contente de vous rencontrer tous les deux. Hunter semble être un petit garçon très vif.
J’ai remarqué que les petites filles s’approchaient de Hunter. J’ai vu dans leurs esprits qu’elles étaient amies depuis longtemps et que leurs parents allaient à l’église ensemble. Il fallait que je conseille à Rémy de choisir une église et d’y aller régulièrement. Hunter allait avoir besoin de tout le soutien qu’on pouvait lui donner. Les petites ont commencé à choisir des livres, elles aussi. Hunter a souri à la petite brune coiffée au carré. Il l’examinait du coin de l’œil, avec ce regard qu’ont les enfants timides quand ils cherchent à savoir s’ils vont pouvoir jouer avec un autre enfant.
— J’aime bien celui-ci, a-t-elle fait remarquer, en indiquant Max et les Maximonstres.
— Je ne l’ai jamais lu, a répondu Hunter, la voix pleine de doutes – l’histoire lui paraissait plutôt effrayante.
— Tu aimes bien les jeux de construction ? a demandé celle qui portait une queue de cheval châtain clair.
— Ouais.
Hunter s’est déplacé vers le coin des jeux, rempli de cubes de toutes tailles et de puzzles. Très rapidement, tous trois se sont mis à construire un édifice qui semblait prendre vie dans leur imagination.
Rémy souriait. Il espérait que c’était ainsi que se déroulerait chaque jour. Il se trompait, naturellement. Et d’ailleurs, Hunter lançait déjà des regards anxieux à la petite à la queue de cheval, qui s’énervait parce que la brune au carré s’appropriait tous les cubes alphabet.
Les autres parents m’examinaient avec curiosité.
— Vous n’habitez pas ici ? a fait l’une des mères.
— Non, j’habite à Bon Temps. Mais Hunter voulait que je vienne aujourd’hui, et c’est mon petit cousin préféré.
J’avais failli l’appeler mon neveu, car pour lui, j’étais toujours « Tatie Sookie ».
— Rémy, a-t-elle repris, vous êtes le petit-neveu de Hank Savoy, non ?
Rémy a acquiescé.
— Effectivement, nous sommes venus ici après Katrina, et nous sommes restés.
Il a haussé les épaules. Il n’était pas le seul à avoir tout perdu à cause de Katrina. Elle s’était montrée cruelle.
Au milieu de tous les murmures de sympathie, j’ai senti des vagues de bienveillance rouler sur Rémy. Avec un peu de chance, toute cette gentillesse s’étendrait à Hunter aussi.
Tandis que tout ce petit monde faisait plus ample connaissance, je suis retournée discrètement à la porte de Mlle O’Fallon.
La jeune femme adressait force sourires à deux enfants qui se promenaient dans sa classe, décorée de couleurs vives. J’ai remarqué que deux des parents ne quittaient pas leur petit d’une semelle. Était-ce simplement une attitude protectrice habituelle chez eux ?
Ou bien avaient-ils senti quelque chose ? Je me suis rapprochée de Mlle O’Fallon, prête à ouvrir la bouche pour lui parler.
J’aurais bien dit :
— Gardez vos fantasmes pour vous ! N’y pensez même pas, quand vous êtes en présence d’enfants !
Puis je me suis ravisée. Elle savait que j’étais venue avec Hunter. Si je la menaçais, serait-il alors la cible de son imagination malfaisante ? Je ne pourrais pas être présente pour le protéger. Je ne pourrais pas l’arrêter. Je ne savais pas comment résoudre l’équation. Elle n’avait rien fait de répréhensible, aux yeux de la loi ou de la moralité. Pas encore… Elle se plaisait à imaginer qu’elle appliquait du ruban adhésif sur les bouches des enfants. Et alors ?
Elle ne l’avait pas encore fait.
Nous rêvons tous de choses terribles que nous n’avons pas commises, non ? se demandait-elle pour se rassurer, se dire qu’elle était encore… normale. Elle ne savait pas que je pouvais l’entendre.
Et moi, étais-je finalement meilleure que Mlle O’Fallon ? La terrible question a traversé mon esprit plus rapidement qu’un éclair. Et j’ai pensé « Ouais, je suis moins dangereuse ». Je n’ai pas d’enfants sous ma responsabilité. Les gens à qui j’en veux sont des adultes, et des tueurs aussi. Ce qui ne faisait pas de moi une personne meilleure, mais qui faisait de Mlle O’Fallon une personne bien pire.
Je l’avais fixée si longtemps qu’elle se sentait maintenant nerveuse.
— Vous souhaitez savoir quelque chose sur le programme ? m’a-t-elle finalement demandé, une pointe d’agacement dans la voix.
— Pourquoi avez-vous décidé de devenir institutrice ?
— Je trouvais qu’il serait merveilleux d’apprendre à des petits les premières choses dont ils auront besoin pour s’en sortir dans le monde.
Elle débitait ces paroles à la façon d’un automate.
Ce qu’elle pensait réellement, c’était « mon institutrice me torturait en cachette. Les petits sans défense, ça me plaît. »
— Hmm, ai-je murmuré.
Les autres visiteurs ont quitté la pièce. Nous étions seules.
— Il vous faut une thérapie, ai-je dit très rapidement à voix basse. Si vous réalisez vos fantasmes, vous vous haïrez. Et vous détruirez la vie d’autres personnes, comme la vôtre a été détruite. Ne la laissez pas gagner. Faites-vous aider.
Elle m’a lancé un regard ébahi.
— Je ne sais pas… de quoi voulez-vous…
— Je ne plaisante pas, l’ai-je interrompue. Mais alors vraiment pas.
— D’accord, je vais le faire, s’est-elle exclamée comme si on lui arrachait les mots de la bouche. Je le ferai, je le jure.
— Vous avez intérêt, lui ai-je promis en la regardant droit dans les yeux pendant encore un instant.
Puis j’ai quitté la Classe du Petit Chien.
Je l’avais peut-être suffisamment secouée et effrayée pour qu’elle tienne sa promesse.
Dans le cas contraire, eh bien je réfléchirais à une autre tactique.
— J’en ai terminé ici, Petit Scarabée, me suis-je murmuré à moi-même.
Un très jeune père m’a lancé un regard furtif. Je lui ai souri et, après un temps d’arrêt, il m’a retourné mon sourire. J’ai rejoint Rémy et Hunter, et nous avons terminé notre visite guidée de la maternelle sans autre incident. Hunter m’a jeté un regard interrogateur plein d’inquiétude et j’ai hoché la tête. « Je m’en suis occupée », lui ai-je dit. Je priais pour que ce soit vrai.
Il était encore bien trop tôt pour dîner, et Rémy a suggéré d’aller au Dairy Queen pour offrir une glace à Hunter. C’était une bonne idée. Après notre expédition scolaire, ce dernier se sentait partagé entre l’anxiété et l’excitation. J’ai tenté de le calmer avec une petite conversation mentale. Mais très vite, il m’a demandé : Tatie Sookie, tu pourras m’emmener, le premier jour ?
Je me suis armée de courage pour lui répondre.
Non, Hunter. C’est à ton papa de le faire. Mais ce jour-là, tu m’appelles dès que tu rentres à la maison pour tout me raconter, d’accord ?
Il m’a regardée de ses grands yeux mélancoliques.
Mais j’ai peur.
J’ai repris fermement : Tu te sentiras un peu angoissé, mais ce sera pareil pour les autres. C’est l’occasion pour toi de te faire des copains. Alors fais bien attention de tenir la langue et de réfléchir avant de parler.
— Sinon ils ne m’aimeront pas ?
— Ça n’a rien à voir ! ai-je réagi immédiatement. Je voulais que les choses soient bien claires. Ils ne te comprendront pas. C’est complètement différent.
— Et toi, tu m’aimes bien ?
— Tu sais bien que je t’adore, voyou !
J’ai repoussé ses cheveux dans un geste affectueux. Rémy faisait la queue pour nous commander nos Blizzards. Il m’a fait un signe de la main, adressant une grimace à Hunter. Il faisait d’énormes efforts pour s’adapter à la situation. Il commençait à s’approprier son rôle de père d’un enfant exceptionnel.
Il se détendrait sans doute plus facilement d’ici une douzaine d’années environ.
Tu sais que ton papa t’aime, et qu’il veut ce qu’il y a de mieux pour toi.
Il veut que je sois comme tous les autres enfants, a répondu Hunter, avec tristesse et amertume.
Il veut que tu sois heureux. Et il sait qu’il ne faut pas que les gens soient au courant de ce don. Sinon tu risques d’être malheureux. Je sais que ce n’est pas juste, de te demander de garder le secret. Mais c’est le seul secret. Si jamais quelqu’un t’en parle, tu le dis à ton papa, ou tu m’appelles. Si tu crois que quelqu’un est bizarre, tu le dis à ton père. Et si quelqu’un essaie de te toucher, tu le dis !
Là, je l’avais effrayé. Mais il a simplement ravalé sa salive avant de m’assurer : Je suis au courant, pour les gestes défendus.
Tu es un garçon très intelligent, et tu vas avoir beaucoup de copains. Mais ils n’ont pas besoin de savoir que tu as ce don, c’est tout.
Parce qu’il est mauvais ?
Son petit visage était tordu de désespoir.
Ah certainement pas ! me suis-je exclamée furieusement. Tout va très bien mon petit coco, rien d’anormal chez toi ! Mais tu sais que toi et moi sommes différents et que les gens ne comprennent pas toujours la différence.
Fin du sermon. J’ai planté un gros baiser sur sa joue.
— Hunter, va donc nous chercher des serviettes, ai-je demandé à voix haute en voyant Rémy prendre le plateau avec les Blizzards.
Le mien était aux pépites de chocolat et j’en avais déjà l’eau à la bouche. Nous nous sommes distribué des serviettes avant de succomber au péché de gourmandise.
C’est alors qu’une jeune femme aux cheveux mi-longs a fait son entrée. En nous repérant, elle nous a fait signe, d’un air incertain.
— Regarde, Champion, c’est Erin, s’est exclamé Rémy.
— Hé, Erin !
Hunter agitait la main avec enthousiasme, comme un véritable petit métronome.
Erin s’est dirigée vers nous, manifestement toujours incertaine de son accueil.
— Salut, a-t-elle dit en jetant un regard circulaire. Monsieur Hunter, quel plaisir de vous rencontrer, en ce bel après-midi ! Le visage de Hunter s’est fendu d’un large sourire. Il aimait bien qu’elle l’appelle Monsieur Hunter. Erin avait de jolies joues rondes assorties d’yeux en amande d’un brun profond. Hunter m’a présentée fièrement :
— Ça, c’est ma Tatie Sookie !
— Sookie, voici Erin, a continué Rémy.
D’après ses pensées, la jeune femme lui plaisait, et plus qu’un peu.
— Erin, j’ai tellement entendu parler de vous ! Je suis contente de pouvoir mettre un visage sur votre nom. Hunter voulait que je vienne visiter les classes de la maternelle avec lui.
— Ah bon ? Comment ça s’est passé ?
Erin semblait sincèrement intéressée.
Hunter a commencé à tout lui raconter, et Rémy s’est précipité pour lui approcher une chaise.
À partir de là, nous avons tous passé un bon moment, Hunter était manifestement attaché à Erin, et c’était réciproque. Erin s’intéressait également de près au père de Hunter.
Quant à Rémy, il était sur le point de tomber follement amoureux. Tout bien considéré, j’ai trouvé qu’aujourd’hui, il s’était avéré particulièrement bénéfique d’être télépathe.
— Mademoiselle Erin, Tatie Sookie dit qu’elle ne peu pas venir avec moi, le jour de la rentrée. Tu peux, toi ? s’est enquis Hunter.
À la fois surprise et ravie, Erin lui a répondu immédiatement.
— Si ton père est d’accord, et si je peux prendre une journée.
Elle avait pris soin de permettre à Rémy de formuler une objection. Il fallait également prévoir le cas où ils ne sortiraient plus ensemble d’ici là.
— C’est vraiment gentil de me le demander, a-t-elle ajouté.
Pendant que Rémy emmenait Hunter aux toilettes, Erin et moi sommes restées seules. Nous nous sommes examinées avec curiosité.
— Ça fait combien de temps, que vous sortez ensemble, avec Rémy ?
La question me semblait suffisamment inoffensive.
— Un mois seulement. J’aime bien Rémy, et je pense que ça peut devenir sérieux, mais c’est trop tôt pour le dire. Je ne veux pas que Hunter commence à s’attacher trop à moi, au cas où ça ne marcherait pas. En plus…
Elle a hésité pendant une longue minute.
— D’après ce que j’ai compris, Kristen Duchesne croit qu’il y a quelque chose qui ne va pas, chez Hunter. C’est ce qu’elle a dit à tout le monde. Mais moi je l’aime vraiment bien, ce petit garçon.
Elle m’interrogeait du regard.
— Il est différent, mais il est tout à fait normal. Il n’est pas mentalement déficient, il n’a pas de handicap d’apprentissage, et il n’est pas possédé par le diable.
À la fin de cette dernière phrase, j’ai laissé un petit sourire errer sur mes lèvres.
— Effectivement, et ça ne m’a jamais traversé l’esprit, m’a-t-elle répondu en souriant, elle aussi. Mais je crois que je ne sais pas encore tout.
Je n’allais certainement pas lui révéler le secret de Hunter.
— Il a besoin de beaucoup d’amour et qu’on s’occupe bien de lui, ai-je repris. Il n’a jamais vraiment eu de maman, et je suis certaine que ça l’aiderait, d’avoir quelqu’un de stable dans sa vie pour tenir ce rôle.
— Et cette personne, ce ne sera pas toi.
Son affirmation tenait presque de la question.
— Non, ai-je répondu, soulagée d’avoir l’occasion de mettre les choses au clair. Ce ne sera pas moi. Rémy est très sympa, mais je sors avec quelqu’un d’autre.
J’ai repris une cuillerée de chocolat et de sucre.
Erin a baissé les yeux sur son Pepsi, perdue dans ses propres pensées. Naturellement, je les suivais en simultané. Elle n’avait jamais apprécié Kristen, et n’éprouvait aucune admiration pour ses capacités intellectuelles. En revanche, Rémy lui plaisait de plus en plus et elle adorait Hunter.
— D’accord, a-t-elle conclu. D’accord.
Elle a levé son regard et m’a fait un signe de tête. Moi aussi, j’ai hoché la tête. Nous étions manifestement arrivées à une compréhension mutuelle. Lorsque les hommes sont revenus des toilettes, je leur ai dit au revoir.
— Ah, au fait, Rémy, tu veux bien m’accompagner une minute, si ça n’embête pas Erin de rester avec Hunter ?
— Aucun souci, a répondu Erin.
J’ai serré Hunter dans mes bras encore une fois avant de lui caresser les cheveux en souriant, et me suis dirigée vers la sortie.
Rémy m’a suivie avec une certaine appréhension dans son expression. Nous nous sommes postés un peu à l’écart de la porte.
— Tu sais que Hadley m’a laissé tout ce qui lui restait, ai-je commencé.
C’était un fardeau pour moi.
— C’est ce que le notaire m’a dit.
Le visage de Rémy ne trahissait aucune émotion, mais j’ai mes méthodes et j’ai vu qu’il était parfaitement calme.
— Alors, tu n’es pas en colère ?
— Je ne veux rien de Hadley.
— Mais pour Hunter… ses études. Il n’y avait pas beaucoup d’argent, mais j’ai eu quelques beaux bijoux. Je pourrais les vendre.
— J’ai commencé un plan d’épargne pour lui, m’a rassurée Rémy. L’une de mes grand-tantes me dit qu’elle lui laissera tout, car elle n’a pas d’enfants. Hadley m’a fait vivre un enfer. Elle ne s’est pas souciée de Hunter et n’a rien prévu pour lui. Je ne veux pas de cet héritage.
— À sa décharge, elle ne pensait pas mourir si jeune. En fait, elle pensait même ne jamais mourir. Je crois sincèrement que si elle n’a pas mis Hunter dans son testament, c’est parce qu’elle ne voulait pas qu’on apprenne son existence et qu’on puisse l’utiliser comme otage pour la contraindre.
— J’espère que c’est le cas, a dit Rémy. Je veux dire, j’espère qu’elle pensait à lui. Mais l’idée de prendre cet argent, tout en sachant ce qu’elle est devenue, comment elle se l’est procuré… ça me donne envie de vomir.
— Bon, d’accord. Réfléchis, et si tu changes d’avis, tu m’appelles d’ici demain soir ! On ne sait jamais, je peux être prise d’une frénésie de shopping, ou jouer le tout à une table de casino.
Il a eu un léger sourire.
— Tu es une femme bien.
Puis il est retourné vers sa petite amie et son fils.
Je me suis mise en route vers la maison, soulagée et le cœur plus léger.
J’avais déjà assuré la moitié de mon service – Holly avait pris le reste de mes heures en plus des siennes – et j’étais donc libre. Je me suis dit que j’allais passer un peu plus de temps sur la lettre de Gran. La visite de Maître Cataliades alors que nous venions de naître, le cluviel d’or, les supercheries de l’amant de Gran… J’étais certaine que lorsque Gran avait pensé qu’elle sentait Fintan alors qu’elle voyait son époux, c’était Fintan qui se trouvait là, sous l’apparence de mon grand-père. C’était difficile à concevoir.
Lorsque je suis revenue, j’ai trouvé Amelia et Bob affairés à lancer des sorts. Ils marchaient autour de la maison dans des directions opposées, chantant des incantations et balançant des encensoirs, comme des prêtres de l’Église catholique.
Heureusement que je vivais dans un endroit isolé…
Je ne voulais pas perturber leur concentration. Je suis donc allée me promener dans les bois. Je me demandais où se trouvait le portail et si je le reconnaîtrais. Dermot avait évoqué une membrane mince. Étais-je même capable de distinguer une « membrane mince » ? Je savais du moins grossièrement dans quelle direction elle pouvait se trouver, et je me suis mise en chemin vers l’est.
Il faisait chaud et j’ai commencé à transpirer immédiatement. Tandis que je progressais à travers bois, les rayons du soleil transperçaient les branchages, formant des myriades de motifs. Les arbres bruissaient du chant des oiseaux et des insectes. Bientôt le soir tomberait, la lumière se ferait rasante, rendant mes pas incertains. Les oiseaux se tairaient et les créatures de la nuit prendraient le relais pour emplir la nuit de leurs propres litanies.
Cheminant dans la végétation des sous-bois, je réfléchissais à la nuit précédente. Je me suis demandé si Judith avait vraiment fait ses valises. Bill se sentait-il seul maintenant ?
Quant à moi, j’avais dormi d’un trait jusqu’au matin. J’imaginais donc que rien ni personne n’avait fait son apparition dans mon jardin cette nuit.
Puis mes pensées se sont naturellement concentrées sur Sandra Pelt. À quel moment subirais-je de nouveau une attaque de sa part ? Au moment même où j’ai décidé qu’il était probablement imprudent de me trouver seule dans les bois, j’ai débouché dans une minuscule clairière, à environ quatre cents mètres au sud-est de ma maison.
J’étais pratiquement certaine que le portail se trouvait ici, dans cette petite trouée au milieu des arbres. Car je ne voyais aucune raison pour que les broussailles n’y poussent pas. Le sol était couvert d’un épais tapis d’herbes sauvages, mais je ne distinguais aucun buisson, rien qui dépasse la hauteur du mollet. Aucune plante grimpante ne la traversait, aucune branche pour obscurcir le ciel. Je n’apercevais pourtant rien d’extraordinaire. À part, peut-être… une légère déformation de l’air. En plein milieu de la clairière. Je n’étais même pas certaine de la percevoir. Elle flottait à peu près au niveau de mes genoux. Elle avait la forme d’un petit cercle irrégulier de trente-cinq centimètres de diamètre à peu près. À cet endroit précis, l’air semblait distordu, comme dans les mirages provoqués par la chaleur.
Était-ce chaud, d’ailleurs ?
Je me suis agenouillée dans les herbes folles devant l’air qui tremblait. J’ai cueilli un long brin d’herbe et, prise de nervosité, l’ai introduit dans la distorsion.
Je l’ai lâché et il s’est instantanément évanoui. Jappant de surprise, j’ai reculé la main précipitamment.
Au moins, j’avais découvert quelque chose. Quoi ? Je n’en étais pas certaine. J’avais douté de la parole de Claude – j’avais maintenant la preuve qu’il disait la vérité. Je me suis rapprochée avec précaution du cercle tremblotant.
— Salut, Niall, ai-je dit. Si vous écoutez, si vous êtes là. Vous me manquez.
Bien évidemment, aucune réponse n’est venue.
— J’ai beaucoup de problèmes, mais je suppose que vous aussi, ai-je continué en espérant que je ne donnais pas l’impression de pleurnicher. Je ne sais pas comment le Royaume de Faérie s’inscrit dans notre univers. Est-ce que vous marchez parmi nous, invisibles ? Ou est-ce que vous avez tout un autre monde bien à vous, comme l’Atlantide ?
Quelle originalité. En outre, il s’agissait là d’un monologue et non d’une conversation.
— Bon, il vaut mieux que je rentre avant la nuit. Si vous avez besoin de moi, venez me voir. Vous me manquez, ai-je répété.
Toujours rien.
À la fois satisfaite d’avoir trouvé le portail et déçue que rien ne se soit passé, je m’en suis retournée chez moi. Bob et Amelia en avaient terminé de leur magie et Bob avait démarré le barbecue. Ils allaient faire griller des côtes de bœuf. J’avais déjà pris une glace avec Rémy et Hunter, mais je me sentais absolument incapable de refuser de la viande grillée frottée de l’assaisonnement secret de Bob. En plus, Amelia était en train de couper des pommes de terre qu’elle allait envelopper dans des feuilles d’aluminium pour les mettre sous la braise. J’étais super contente. J’ai proposé de contribuer en cuisinant de la courge jaune.
L’atmosphère dégagée par la maison était maintenant plus chaleureuse. Et plus sécurisante.
Tandis que nous dînions, Amelia nous a raconté des anecdotes tordantes au sujet de la boutique de magie, et Bob s’est laissé aller à imiter certains de ses collègues les plus bizarres du salon de coiffure unisexe dans lequel il travaillait. La coiffeuse qu’il avait remplacée s’était découragée devant les complications survenues à la suite de Katrina, à tel point qu’elle avait chargé sa voiture pour s’enfuir à Miami. Bob avait eu le poste tout simplement parce qu’il était la première personne qualifiée à avoir franchi le seuil après son départ. Quand je lui ai demandé s’il s’agissait d’une simple coïncidence, il a eu un sourire énigmatique. De temps à autre, j’avais une brève vision de ce qui fascinait Amelia chez Bob.
À d’autres moments, il ressemblait à un représentant en encyclopédies, trop maigre et hirsute. Je lui ai parlé d’Immanuel, mon coiffeur urgentiste. Il m’a assuré qu’Immanuel avait fait du beau travail.
— Alors, vous avez terminé le travail sur les sorts de protection ? ai-je demandé anxieusement tout en essayant de prendre un ton dégagé.
— Ah ça oui ! s’est fièrement exclamée Amelia, avant de se couper un autre morceau de viande. Ils sont encore plus forts, maintenant. Aucune personne qui te veut du mal ne peut passer. Même un dragon ne pourrait pas les franchir.
— Et un dragon amical ? l’ai-je taquinée.
Elle m’a donné un petit coup de fourchette.
— D’après ce que je sais, ils ne le sont jamais. Bien sûr, je n’en ai jamais vu.
— Bien sûr, ai-je répété.
Je ne savais pas si je devais me laisser gagner par le soulagement ou la curiosité…
Puis Bob est intervenu.
— Amelia a une surprise pour toi.
— Ah bon ? ai-je répondu d’un ton faussement détendu.
— J’ai trouvé le remède, a-t-elle annoncé, mi-fière, mi-timide. Je veux dire, tu me l’avais demandé quand je suis partie. J’ai cherché par tous les moyens une façon de briser le lien de sang. Et j’ai réussi.
— Comment ?
Je tentais désespérément de cacher mon désarroi.
— Tout d’abord, j’ai demandé à Octavia. Elle ne savait pas, car elle n’est pas spécialisée en magie de vampire, mais elle a envoyé des mails à quelques-unes de ses amies plus âgées dans d’autres clans, et elles ont farfouillé de leur côté. Ça a pris du temps, nous avons eu des déconvenues, mais j’ai fini par trouver un sort qui ne cause pas la mort de l’un des deux… associés.
— Je suis… stupéfaite.
C’était la plus stricte vérité.
— Tu veux que je le jette ce soir ?
— Tu veux dire là, maintenant ?
— Oui, après le dîner.
Amelia paraissait un peu moins satisfaite, car ma réaction n’était pas celle qu’elle attendait. Le regard de Bob passait de l’une à l’autre, le doute peint sur son visage. Il avait pensé que je serais ravie et que je le montrerais. Ce n’était pas le cas.
— Je ne sais pas, ai-je murmuré en reposant ma fourchette. Est-ce que ça ferait du mal à Éric ?
— Comme si quoi que ce soit pouvait faire du mal à un vampire de cet âge-là ! s’est exclamé Amelia. Franchement, Sook, pourquoi tu t’inquiètes de lui ?
— Je l’aime.
Ils m’ont fixée, ébahis.
— Pour de vrai ? a demandé Amelia d’une toute petite voix.
— Amelia, je te l’ai pourtant dit quand tu es partie.
— Je pense que je ne voulais pas te croire. Tu es certaine que tes sentiments seront les mêmes si le lien est détruit ?
— C’est justement ce qu’il faut que je découvre.
Elle a hoché la tête.
— En effet. Et tu dois te libérer de lui.
Le soleil venait de se coucher, et je percevais le lever d’Éric. Sa présence se collait à moi comme une ombre. Tout à la fois familière, agaçante, rassurante et intrusive.
— Si tu es prête, fais-le tout de suite, avant que je perde courage.
— En fait, c’est le moment parfait dans la journée. Coucher de soleil. Fin de la journée.
La fin pour beaucoup de choses. C’est logique.
Amelia est partie rapidement dans sa chambre. Elle est revenue peu après avec une enveloppe et trois petits flacons dans un présentoir chromé, semblables aux petits pots de confiture qu’on vous sert au café pour le petit-déjeuner. Les flacons étaient à moitié pleins d’une mixture d’herbes. Amelia portait maintenant un tablier. Je devinais le contour de plusieurs objets dans l’une de ses poches.
— Allons-y, a dit Amelia.
Elle a tendu l’enveloppe à Bob, qui en a extrait un papier qu’il a parcouru rapidement en fronçant les sourcils.
— Dans la cour, a-t-il suggéré.
Nous avons quitté la cuisine, traversant la véranda avant d’arriver à la cour. En passant près de mon vieux barbecue, j’ai senti un reste d’effluve de viande. Amelia m’a placée à un certain endroit, Bob à un autre, puis elle a disposé les pots de confiture également, un derrière chacun d’entre nous. Nous allions former un triangle. Je n’ai pas posé de question – je n’aurais probablement pas cru les réponses.
Elle m’a tendu un étui d’allumettes, ainsi qu’à Bob, en conservant un pour elle-même.
— À mon signal, brûlez vos herbes. Ensuite, marche autour de votre pot trois fois, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Arrêtez-vous à votre place après la troisième fois. Puis, nous dirons certaines paroles. Bob, tu les as en tête ? Sookie va avoir besoin de la feuille.
Bob a relu les mots et hoché la tête avant de me passer le papier. Le soleil s’était couché et l’obscurité gagnait les alentours. Je distinguais tout juste les lettres, à la lumière des projecteurs.
— Vous êtes prêts ? a demandé Amelia d’un ton sec.
Dans la pénombre, elle paraissait soudain plus vieille et plus froide.
J’ai acquiescé, me demandant si c’était bien la vérité.
— Oui, a fait Bob, simplement.
— Alors retournez-vous et allumez vos feux, nous a ordonné Amelia.
Comme un robot, j’ai obéi. La peur me tenaillait le ventre. Je n’aurais su dire pourquoi au juste. J’étais pourtant certaine que j’avais raison. J’ai gratté mon allumette et l’ai laissée tomber dans le pot. Les herbes se sont brusquement enflammées, dégageant un parfum âcre. Puis nous nous sommes relevés tous les trois pour entamer nos cercles autour de nos pots respectifs.
Est-ce que c’était bien, tout cela, pour un bon croyant ? Sûrement pas. D’un autre côté, je n’avais jamais pensé à demander au pasteur méthodiste s’il connaissait un rituel qui puisse trancher un lien de sang entre une femme et un vampire.
Après nos trois tours, nous nous sommes immobilisés et Amelia a sorti une pelote de laine rouge de son tablier. Elle a saisi l’extrémité du brin de laine avant de passer la pelote à Bob. Il en a déroulé une longueur, l’a prise entre ses doigts avant de me transmettre la pelote. J’en ai fait autant et l’ai repassée à Amelia. Je tenais la laine d’une main tout en agrippant la feuille de l’autre. Je n’avais pas imaginé qu’il y aurait tant à faire. Amelia a sorti une paire de grands ciseaux de sa poche.
Pendant tout ce temps, elle avait chanté des incantations. Sans s’arrêter, elle m’a fait signe, puis à Bob, indiquant que nous devions chanter avec elle. J’ai baissé les yeux vers mon papier et j’ai récité péniblement des mots auxquels je ne comprenais rien.
Puis tout s’est arrêté.
Nous nous tenions debout en silence, et les petites flammes dans les pots se sont éteintes. La nuit était tombée pour de bon.
— Coupe, m’a dit Amelia en me donnant les ciseaux. Avec toute ton intention.
Je me sentais un peu ridicule et très effrayée. Mais j’étais sûre de moi. Il le fallait. J’ai coupé la laine rouge.
Et j’ai perdu Éric.
Il n’était plus là.
Amelia a enroulé le brin coupé et me l’a tendu. À ma grande surprise, elle arborait un sourire, féroce et triomphant. Comme un automate, j’ai pris la laine de sa main, tous mes sens tendus à la recherche d’Éric.
Rien.
J’ai ressenti une vague de panique. Elle était cependant mitigée de soulagement, ce que j’avais prévu. Il y avait du désespoir aussi. Dès que je serais certaine qu’il allait bien, qu’il n’avait pas eu de mal, je savais que je me détendrais et que je savourerais toute la réussite du sort.
Dans ma maison, le téléphone s’est mis à sonner et je me suis précipitée.
— Tu es là ? a-t-il demandé. Tu es là ? Tu vas bien ?
— Éric ! me suis-je exclamée dans un soupir qui provenait du plus profond de mon être. Oh je suis tellement soulagée que tu ailles bien ! Tu vas bien, n’est-ce pas ?
— Mais qu’as-tu fait ?
— Amelia a trouvé un moyen de briser le lien.
Il y a eu un long silence. Avant, j’aurais su si Éric était inquiet, furieux ou pensif.
Maintenant, je n’en avais plus aucune idée.
— Sookie, a-t-il dit enfin, dans une certaine mesure, notre mariage te protège, mais le plus important, c’était le lien.
— Quoi ?
— Tu m’as entendu. Je suis très en colère contre toi.
Aucun doute là-dessus.
— Viens chez moi, ai-je dit.
— Non. Si je vois Amelia, je lui brise la nuque.
Aucun doute, là non plus.
— Elle a toujours souhaité que tu te débarrasses de moi, a-t-il poursuivi.
— Mais… ai-je commencé.
Je ne savais pas comment terminer.
— Je te verrai quand je serai en mesure de me contrôler.
Et il a raccroché.